La compagnie gérante de la centrale accidentée de Fukushima a commencé mercredi à déverser en mer des centaines de mètres cubes d’eau souterraine pompée en amont des réacteurs, une opération qui met en colère les organisations écologistes.
«Nous avons débuté le déversement (...) à 10H25 (01H25 GMT)», a indiqué Tokyo Electric Power (Tepco) dans un courriel.
«Une patrouille a fait une première ronde à 10H30, et aucune fuite n’a été constatée», a affirmé la compagnie qui prévoit de rejeter ce jour 560 mètres cubes d’eau dans l’océan Pacifique au bord duquel se trouve le site atomique.
«C’est une étape importante pour la gestion du l’eau à la centrale Fukushima Daiichi, problème qui est notre plus grosse priorité actuelle», a déclaré le PDG de Tepco, Naomi Hirose, cité dans un communiqué, saluant les accords obtenus des autorités et des pêcheurs pour procéder à ces rejets.
Tepco avait commencé début avril à pomper de l’eau souterraine avec douze pompes, avant qu’elle ne soit contaminée sous les bâtiments du site mis en péril par le tsunami du 11 mars 2011.
Cette eau est provisoirement stockée dans un réservoir afin d’être analysée et de vérifier qu’elle n’est pas radioactive.
Elle ne sera rejetée dans l’océan que si elle est saine, promet Tepco qui a fixé des critères limites pour les césium 134 et 137, les radionucléides émettant des rayons bêta comme le strontium 90 et le tritium. Au-delà de ces plafonds, les opérations seront stoppées. Les contrôles sont aussi effectués par une tierce partie.
Quelque 400 tonnes d’eau souterraine entrent chaque jour dans les bâtiments du site atomique, augmentant ainsi la quantité d’eau contaminée au contact des équipements, eau qu’il faut ensuite stocker, puis assainir, une tâche d’autant plus insurmontable que s’y ajoutent les eaux de refroidissement des réacteurs qui fuient.
- L’océan, seul débouché possible -
«La décision de rejeter l’eau souterraine en mer est basée sur le scénario +pas d’autre choix+ et non sur une solution de long terme pour les habitants de Fukushima et du Japon», a commenté une responsable de l’organisation Greenpeace au Japon, Kazue Susuki, qui souligne que «de l’eau radioactive s’écoule en mer depuis l’accident de mars 2011».
Les pêcheurs de Fukushima ont certes donné leur assentiment pour ces opérations, mais il ont mis un an avant de dire oui à leur corps défendant.
Et Greenpeace de demander que Tepco améliore significativement la façon dont est rendu public le niveau de radioactivité de l’eau rejetée, jugeant que les tierces parties doivent pouvoir contrôler de façon indépendante non seulement au point de déversement, mais également tout au long du processus.
Même si Tepco présente cette déviation comme un élément crucial de sa stratégie d’assainissement du site, le problème majeur des volumes effarants d’eau radioactive accumulée à la centrale Fukushima Daiichi sera loin d’être réglé. Et pour cause, le système de traitement de l’eau, ALPS, est tout sauf fiable: il n’en finit pas de tomber en panne.
Il est de nouveau entièrement stoppé depuis mardi matin, après l’arrêt de la troisième ligne de traitement, a indiqué Tepco.
Le dispositif, qui sert à éliminer une soixantaine de radionucléides (laissant au moins le tritium), est constitué de trois lignes parallèles de décontamination. Une seule fonctionnait mardi, mais elle a finalement été arrêtée en début de matinée en raison de la dégradation de ses performances.
Actuellement, plus de 350.000 mètres cubes d’eau très contaminée patientent dans des centaines de réservoirs à la fiabilité douteuse.
«Dans de telles conditions, il est bien possible qu’ALPS (pourtant censé traiter 750 mètres cubes par jour) ne puisse jamais fonctionner correctement», s’inquiète un travailleur de la centrale sous le surnom Happy.
Un deuxième dispositif de décontamination financé par le gouvernement doit être progressivement installé à partir du mois prochain, équipement dont tous espèrent qu’il donnera de meilleurs résultats. En attendant, Tepco prévoit une capacité de stockage de 800.000 tonnes d’eau sur le site, un risque énorme en cas de nouvelles catastrophe.
AFP