samedi 28 mars 2015

Tepco reporte un projet

La Compagnie d’électricité de Tokyo reporte un projet, visant à empêcher les eaux souterraines de pénétrer dans la centrale nucléaire Fukushima Dai-ichi. Tepco tente de réduire l’accumulation d’eau contaminée sur le site.

L’entreprise prévoyait de geler le sol autour des bâtiments du réacteur endommagé afin de créer un mur de glace souterrain d’un kilomètre et demi de longueur. 

Le travail devait commencer ce mois-ci, mais il avait été repoussé d’un mois suite à la mort accidentelle de travailleurs en janvier.

Il était prévu de commencer à geler le sol dans un secteur, entre la centrale et une colline.

Mais Tepco précise ne pas encore avoir demandé au régulateur du nucléaire la permission de geler un autre secteur, entre la centrale et la mer. Il n’est pas clair quand le mur gelé pourra être terminé. 

L’accumulation d’eau radioactive constitue un autre problème auquel la compagnie est confrontée. Tepco souhaite traiter 600 000 tonnes d’eau contaminée d’ici la fin du mois de mai. Mais elle indique que 20 000 tonnes, dont une bonne partie d’eau de mer, ne pourront pas être traitées avant cette date.



mercredi 18 mars 2015

Nucléaire: le Japon se lance dans une série de démantèlements précipités par Fukushima


Privé depuis des mois d'énergie nucléaire, le Japon se lance dans le démantèlement d'installations atomiques, précipité par le désastre de mars 2011 qui a déjà condamné les six réacteurs de la centrale accidentée Fukushima Daiichi.

Le porte-parole du gouvernement japonais a déclaré que les compagnies d’électricité pourraient avoir décidé de ne pas remettre certains réacteurs en route en raison de la politique nippone de diminuer la dépendance de l’Archipel à l’énergie nucléaire.

Le secrétaire général du gouvernement Yoshihide Suga a répondu aux questions des journalistes mardi après que deux opérateurs ont annoncé le démantèlement de trois réacteurs vieillissants.
 
M. Suga a indiqué que le gouvernement souhaite créer une société économe en énergie et utiliser autant que possible des énergies renouvelables.
 
En ce qui concerne les déchets radioactifs qui seront générés par les réacteurs démantelés, il a précisé que la responsabilité en revenait aux opérateurs des centrales, précisant que c’est à elles de décider des sites de stockage.


Le ministre japonais responsable des centrales nucléaires s’attend à ce que les opérateurs jouent un rôle central dans l’élimination des déchets nucléaires résultant du démantèlement des centrales nucléaires.

S’adressant aux journalistes mardi, le ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, Yoichi Miyazawa, a aussi exprimé l’espoir que les opérateurs travailleront à sécuriser les sites de stockage nécessaires. 

Le démantèlement d’un petit réacteur générerait environ de 2680 à 6340 tonnes d’équipements contaminés. 

Toutefois, pour le moment, il n’existe pas de site d’entreposage pouvant accueillir ce type de déchets.

Mardi, la compagnie d'électricité Kansai Electric Power, qui alimente une partie de l'ouest de l'archipel, a opté pour la démolition de deux de ses réacteurs trop vieux et dont la prorogation de durée de vie, en théorie possible, serait trop coûteuse

Kansai Electric prévoit de déconstruire les unités Mihama 1 et 2 respectivement mises en exploitation en 1970 et 1972 dans la région de Fukui (ouest) où se trouvent plusieurs centrales atomiques.

La société Japan Atomic Power Company a aussi décidé mardi le démantèlement de Tsuruga 1 (datant de 1970), également dans l'ouest.

Deux autres compagnies régionales, Chubu Electric Power et Kyushu Electric Power, pourraient sous peu annoncer des résolutions similaires pour leurs unités respectives Shimane 1 (1974) et Genkai 1 (1975).

- Une première depuis Fukushima -

C'est la première fois qu'une telle décision est prise depuis l'accident de Fukushima qui entraîne de facto le démantèlement de toutes les tranches du complexe exploité par Tokyo Electric Power (Tepco) dans le nord-ouest de l'archipel.

Le ministre japonais de l'Industrie, Yoichi Miyazawa, a déclaré mardi étudier des dispositions particulières pour aider les localités qui hébergent les réacteurs concernés par ces décisions.

"En tant que pionnier dans le développement de moyens de démantèlement des réacteurs à eau pressurisée (PWR), nous poursuivons les recherches avec le concours des entreprises, universités et centres de recherches de la région", a souligné Kansai Electric.

Depuis le drame de Fukushima provoqué par un tsunami en mars 2011, les réacteurs nucléaires au Japon ne doivent pas fonctionner plus de quatre décennies. Mais, moyennant des contrôles poussés et modifications techniques, ils peuvent en théorie obtenir une dérogation pour 20 ans supplémentaires.

Le gouvernement a demandé l'an passé à tous les producteurs d'électricité du pays de déclarer rapidement leurs intentions au sujet des installations atteignant la limite d'âge, à savoir grosso modo les unités lancées dans les années 1970, au nombre d'une douzaine en plus des six de Fukushima Daiichi.

Tous doivent faire de savants calculs pour comparer les différentes options (démantèlement, travaux de mise en conformité...) en fonction des avantages et inconvénients matériels et financiers qu'il y a à faire tourner ou non chacun de leurs réacteurs.

Pour les cinq, dont le démantèlement est décidé ou en voie de l'être, le coût d'une éventuelle prolongation serait trop élevé au regard de leurs capacités, car il s'agit de modèles de faible puissance (moins de 600 mégawatts pour chaque). 

A l'inverse, trois autres tranches, d'un âge voisin, Takahama 1 et 2 et Mihama 3, pourraient bénéficier d'un prolongement d'activité. C'est le souhait de Kansai Electric qui devrait déposer une demande en ce sens mardi après-midi auprès de l'autorité de régulation nucléaire.

- Priorité au redémarrage -

Actuellement, les 48 réacteurs de l'archipel (sans compter les 6 condamnés de Fukushima-Daiichi) sont arrêtés. Si tous étaient définitivement stoppés au bout de 40 ans, la capacité potentielle nucléaire de l'archipel chuterait à 15% de l'électricité produite à horizon 2030, selon les calculs des organismes spécialisés, soit deux fois moins qu'avant le sinistre de mars 2011.

D'où la volonté de proroger l'usage des plus puissants à défaut d'en construire de nouveaux.

Dans l'immédiat, la priorité du gouvernement de Shinzo Abe est le redémarrage des réacteurs jugés sûrs.

Deux, Sendai 1 et 2 (sud-ouest), qui ont obtenu un feu vert relatif à leur sûreté de la part de l'Autorité de régulation et l'accord indispensable des autorités locales, sont censés reprendre du service dans l'année.

Deux autres, Takahama 3 et 4, exploités par Kansai Electric, ont reçu l'imprimatur technique de l'autorité, mais il leur manque encore l'approbation politique des élus de la région.

Si, selon tous les sondages, la majorité des citoyens japonais sont opposés à l'énergie nucléaire, la mobilisation contre leur relance s'est notablement affaiblie après un pic atteint dans les mois suivant le désastre de Fukushima, au grand dam des organisations écologiques.




vendredi 13 mars 2015

Accident nucléaire de FUKUSHIMA Daiichi Point de la situation en mars 2015 IRSN

Mars 2015

Accident nucléaire de FUKUSHIMA Daiichi

Point de la situation en mars 2015

Ce document est basé sur les informations rendues publiques sur la situation de la centrale de Fukushima Daiichi.

I. Rappel des faits1 et état général des installations suite à l’accident

Le séisme de magnitude 9, survenu le 11 mars 2011 à 80 km à l’est de l’île de Honshu au Japon, et le tsunami qui s’en est suivi ont affecté gravement le territoire japonais dans la région de Tohoku, avec des conséquences majeures pour les populations et les infrastructures.
En dévastant le site de la centrale de Fukushima Daiichi, ces événements naturels ont été à l’origine de la fusion des coeurs de trois réacteurs2 nucléaires et de la perte de refroidissement de plusieurs piscines d’entreposage de combustibles usés.
Des explosions sont également survenues dans les bâtiments des réacteurs 1 à 4 du fait de la production d’hydrogène lors de la dégradation des combustibles des coeurs. Des matériaux sont tombés dans les piscines des réacteurs 1, 3 et 4 à la suite de ces explosions, ce qui complique l’extraction des assemblages de combustible présents.
Des rejets très importants dans l’environnement ont eu lieu à partir du 12 mars 2011 et de manière plus modérée mais persistante pendant plusieurs semaines. L’accident a été classé au niveau 7 de l’échelle INES.
L’inondation du site a également généré une accumulation d’eau dans les sous-sols des bâtiments de la centrale.

II. Actions de maîtrise des installations

TEPCO a fait état, fin 2011, de l’atteinte d’une situation d’« arrêt à froid », terme impropre eu égard à l’état des réacteurs, traduisant essentiellement le maintien de l’eau dans les réacteurs à une température inférieure à 100 °C. Ceci permet d’éviter la vaporisation de l’eau pour limiter les rejets à l’environnement par les fuites du confinement.
Les réacteurs 1, 2 et 3 sont désormais maintenus à une température comprise entre 20 et 50 °C par injection permanente d’eau douce (débit de l’ordre de 5 m3/h par réacteur). Cette eau circule dans la cuve, l’enceinte de confinement et le tore et refroidit le combustible nucléaire dégradé. Elle se charge en radioactivité, en entraînant notamment les éléments les plus mobilisables contenus dans le corium. A cet égard, si l’uranium et les transuraniens sont très peu solubles, certains produits de fission ou d’activation sont plus facilement dispersables dans l’eau (césium, strontium, antimoine, tritium…). L’eau injectée, après s’être chargée en radioactivité, s’écoule ensuite dans les sous-sols des bâtiments où elle se mélange aux infiltrations d’eaux souterraines. TEPCO fait ainsi état d’une activité de l’ordre de quelques GBq/m3 à dizaines de GBq/m3 en césium pour l’eau accumulée dans les sous-sols des bâtiments. Cette eau est reprise pour être traitée et partiellement réutilisée pour assurer le refroidissement des réacteurs.
1 Pour plus d’informations, voir le site IRSN : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/Pages/sommaire.aspx
2 Le réacteur 4 est déchargé et les réacteurs 5 et 6 sont en situation d’arrêt sûr – Visiter le site IRSN pour plus d’informations sur le déroulement de l’accident : http://www.irsn.fr/FR/popup/Pages/analyse-IRSN-accident-Fukushima.aspx

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Par ailleurs, une injection d’azote est effectuée en tant que de besoin dans les enceintes de confinement et les cuves des réacteurs 1 à 3 pour maintenir leur inertage et éviter ainsi tout risque de combustion d’hydrogène.

Source TEPCO – Schéma de principe du refroidissement des réacteurs
Les piscines d’entreposage d’éléments combustibles sont refroidies en circuit fermé ; les températures dans les piscines sont inférieures à 30 °C.

Source TEPCO – Schéma de principe du refroidissement des piscines 1 à 4
Afin de stabiliser la situation des installations, TEPCO a mis en oeuvre des moyens redondants et des secours électriques pour maintenir le refroidissement des installations et assurer l’inertage à l’azote des enceintes de confinement et des cuves des réacteurs. De plus, certains matériels sont installés dans des zones surélevées et une protection anti-tsunami a été mise en place en bordure de site. Enfin, une surveillance des paramètres essentiels est assurée (température d’eau, teneur en hydrogène dans les enceintes, niveaux d’eau…).

Des événements surviennent toujours au fil du temps : variations de débit d’injection d’eau, indisponibilités ou dérives de moyens de mesure de température, fuites de circuits d’eau, pertes temporaires du refroidissement de piscines, déclenchement d’alimentations électriques, de l’injection d’azote d’inertage ou de retransmission d’informations permettant le suivi en temps réel des installations, départs d’incendie, découverte de corps étrangers dans des circuits, chute de débris lors de travaux de démontage… Ces événements, dont la fréquence diminue progressivement, n’ont pas mis en évidence d’évolution significative de la situation des installations et donne lieu à des mesures d’amélioration. Par ailleurs, la chaleur résiduelle3 encore présente dans les coeurs et les piscines d’entreposage a notablement décru depuis l’accident.
TEPCO dispose désormais de délais importants pour intervenir en cas d’une éventuelle indisponibilité des moyens de refroidissement.
3 La chaleur résiduelle est la chaleur que continue à émettre du combustible nucléaire malgré l’arrêt de la réaction en chaîne. Elle est issue de la décroissance des éléments radioactifs.

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TEPCO réalise également des investigations et des contrôles spécifiques dans les installations. Il souhaite ainsi définir au mieux son plan d’actions en vue de la reprise des combustibles et du démantèlement.

L’IRSN relève l’importance des moyens déployés par TEPCO pour la maîtrise des installations, dans un contexte toujours difficile lié à une connaissance encore limitée de l’état des installations, à une accessibilité réduite dans les bâtiments accidentés, à des conditions d’interventions contraignantes et au niveau de fiabilité de certains moyens mis en oeuvre.

L’IRSN souligne que des événements, certes le plus souvent sans conséquence technique notable, surviennent rappelant que, eu égard au temps nécessaire au démantèlement des installations, ces actions de maîtrise des installations doivent s’inscrire dans la durée et nécessitent une grande vigilance de la part de TEPCO.

En outre, les eaux contenues dans les sous-sols des bâtiments étant radioactives et les volumes ajoutés journellement étant très importants, leur traitement et leur entreposage sont apparus, dès les premières semaines qui ont suivi l’accident, comme des enjeux importants de la reprise du contrôle des installations afin de limiter les rejets dans l’environnement.

III. Actions de maîtrise des rejets


De manière générale, compte tenu des dégradations très importantes subies par les barrières de confinement des matières radioactives, des rejets diffus se poursuivent dans l’atmosphère, de même que dans le sol et donc les eaux souterraines. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, des fuites sont encore constatées sur les installations mises en place à la suite de l’accident (circuits de refroidissement et de traitement des eaux).
TEPCO poursuit ses actions en vue de maîtriser ces rejets, notamment, en regard des rejets gazeux, en recouvrant les bâtiments des réacteurs et en maîtrisant la pression dans les enceintes de confinement.

Ainsi, une structure a été construite entre janvier et juillet 2013 pour recouvrir le bâtiment du réacteur 4 et permettre l’évacuation des combustibles de la piscine d’entreposage. Celle du bâtiment du réacteur 1 était en place dès octobre 2011. Son retrait va toutefois être nécessaire pour évacuer les débris en vue de la poursuite des travaux de démantèlement. A l’issue, une nouvelle structure sera mise en place. Fin octobre 2014, après aspersion préalable d’agents anti-dispersants dans le bâtiment, TEPCO a ainsi procédé au retrait de deux panneaux de la structure actuelle afin de s’assurer que cela ne conduisait pas à une augmentation notable des rejets. Ces panneaux ont ensuite été reposés, la dépose complète de la structure étant programmée en 2015. Enfin, les travaux de couverture du bâtiment du réacteur 3, le plus dégradé par les explosions, sont en cours.
TEPCO met également en oeuvre des actions de surveillance et de gestion de la pollution des eaux souterraines.

Pour éviter que les eaux souterraines polluées parviennent dans l’océan, TEPCO a ainsi mis en place un écran d’étanchéité côté océan et des pompages d’eau de nappe entre les stations de pompage des différents réacteurs.
Ces dispositifs locaux ont été complétés par une barrière d’étanchéité (« mur ») en bordure d’océan, d’environ 900 m de long, afin d’intercepter les écoulements souterrains en aval de l’ensemble du site. Les travaux, programmés dès 2012 et initiés en avril 2013, sont quasiment terminés.

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Source TEPCO : écrans et « mur » d’étanchéité côté port
Les dispositions prises par TEPCO apparaissent de nature à limiter les relâchements vers l’océan, voire à les empêcher si elles sont totalement efficaces. Toutefois, les pompages de nappe associés conduisent à augmenter les flux d’effluents à gérer.

IV. La gestion des eaux

Comme indiqué précédemment, l’eau de refroidissement des réacteurs (environ 350 m3/jour) se charge en radioactivité et s’écoule dans les sous-sols des bâtiments où elle se mélange aux infiltrations d’eaux souterraines (environ 400 m3/jour). TEPCO doit donc traiter ces eaux puis en entreposer des volumes sans cesse croissants.

TEPCO a mis en oeuvre plusieurs procédés de retrait des radionucléides dans des délais courts : trois dispositifs étaient opérationnels quelques mois après l’accident de mars 2011. L’un d’eux n’est plus utilisé car il générait un important volume de boues radioactives. Les deux dispositifs restants ne permettent qu’un retrait partiel des radionucléides contenus dans les eaux traitées (essentiellement le césium).

TEPCO a ensuite lancé le développement d’un système permettant un traitement plus complet qu’il dénomme « multi-nuclides removal equipment » ou « advanced liquid processing system » (ALPS). Ce système est composé de trois sous-systèmes d’une capacité unitaire de traitement de 250 m3/jour. Les essais en configuration réelle se sont déroulés au cours du deuxième trimestre 2013 et ont montré une grande efficacité de décontamination du système pour tous les radionucléides présents dans les eaux, sauf le tritium. En effet, il n’existe pas à ce jour de moyen industriel capable d’extraire le tritium de l’eau. L’ALPS a cependant rencontré divers problèmes, dont le plus important a été la corrosion de composants. Les différents sous-systèmes ont été arrêtés, les défauts ont été traités et des mesures préventives contre la corrosion ont été mises en oeuvre. En juillet 2014, l’ensemble de l’ALPS était en service, même si TEPCO soulignait que des améliorations restaient nécessaires.
Par ailleurs, ces derniers mois ont vu le déploiement d’importants moyens complémentaires de traitement des eaux.

En octobre 2014, les essais à pleine échelle d’un second ALPS étaient lancés. Un ALPS « haute performance » a également été installé. S’il dispose d’un débit de traitement moindre (500 m3/jour), il génère 20 fois moins de déchets.

Depuis cette date, la capacité de traitement de l’ensemble des systèmes ALPS en fonctionnement nominal représente 2 000 m3/jour. En janvier 2015, ces systèmes ne fonctionnant pas tous à plein régime en permanence, ils traitaient en moyenne 1300 m3 d’eau par jour. Ainsi, le volume entreposé d’eau contaminée n’ayant pas subi de traitement par ces systèmes baisse régulièrement : il est désormais bien inférieur à 300 000 m3 alors que le volume entreposé d’eau traitée par un des systèmes ALPS est d’environ 300 000 m3.
C’est aussi en octobre 2014 qu’un système mobile dédié au retrait du strontium (Kurion Mobile Processing System - KMPS) a démarré.

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L’objectif visé par TEPCO en déployant l’ensemble de ces systèmes est, à terme, de n’entreposer que de l’eau ayant fait l’objet d’un traitement complet et donc ne contenant quasiment plus que du tritium. Selon TEPCO, cet objectif sera atteint en mai 2015.

La figure ci-dessous donne une vision synthétique de l’ensemble de la chaîne de traitement des eaux provenant des locaux des réacteurs de Fukushima Daiichi après mise en service de l’ensemble des systèmes.

Source TEPCO – Schéma général du cheminement des eaux accumulées à Fukushima Daiichi
Le traitement des eaux n’est qu’une première étape de la gestion des eaux accumulées sur le site. En effet, après traitement, il sera nécessaire à TEPCO d’obtenir des autorisations pour le rejet des eaux traitées, contenant encore une radioactivité résiduelle4.

Dans l’attente, TEPCO doit entreposer des volumes d’eau sans cesse croissants (environ 600 000 m3 à ce jour). La capacité d’entreposage est aujourd’hui proche de 800 000 m3.
TEPCO a mis en oeuvre des entreposages de tous types : plus de 300 réservoirs verticaux à assemblages par brides, plus de 300 réservoirs horizontaux soudés, plus de 200 réservoirs cubiques soudés, 7 réservoirs enterrés…
Source TEPCO – 1/réservoirs cubiques soudés – 2/réservoirs verticaux à assemblages par brides boulonnées et réservoirs horizontaux soudés – 3/réservoirs verticaux soudés - 4/réservoirs enterrés
4 Ces niveaux doivent encore être définis par le régulateur.

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TEPCO a rencontré de nombreux problèmes d’étanchéité, d’importance variable, sur les équipements d’entreposage des eaux radioactives. Les plus marquants ont concerné les réservoirs enterrés et les réservoirs verticaux à assemblage par brides. Ils ont conduit à des pollutions localisées des sols. Les nouveaux réservoirs installés sont désormais des réservoirs soudés, notamment des réservoirs soudés en usine qui sont livrés à TEPCO depuis avril 2014.

De façon générale, il convient de souligner que de nombreuses améliorations des moyens d’entreposage d’eau contaminée et de leur suivi ont été réalisées par TEPCO en tirant les enseignements des différents événements rencontrés.

En outre, certaines galeries enterrées contiennent de l’eau fortement contaminée (11 000 m3 d’eau n’ayant subi aucun traitement). Cet « entreposage » particulier n’est évidemment pas pérenne et TEPCO souhaite pomper cette eau pour la traiter. Les galeries doivent préalablement être isolées de toute arrivée d’eau. Le gel d’une partie de l’eau contenue dans les galeries, moyen initialement retenu par TEPCO, n’a pas donné satisfaction en 2014.

Au-delà de l’amélioration des capacités de traitement et d’entreposage, TEPCO souhaite aussi diminuer le volume d’eau à gérer en diminuant les infiltrations d’eaux souterraines dans les bâtiments.

Afin d’abaisser le niveau de nappe autour des bâtiments, TEPCO a ainsi mis en oeuvre un premier dispositif dit « groundwater bypass » qui pompe les eaux souterraines sur la colline en amont des bâtiments nucléaires et la rejette après contrôle. Les premiers rejets ont eu lieu en mai 2014 après obtention des autorisations, mais aussi de l’accord des associations de pêcheurs.
Par ailleurs, une solution permettant de confiner la nappe autour des bâtiments nucléaires consiste à ceinturer complètement les bâtiments à l’aide d’un écran étanche, par congélation des terrains jusqu’à une trentaine de mètres de profondeur. Dans ces conditions, il serait possible d’arrêter les infiltrations d’eaux souterraines en pompant dans les drains autour des bâtiments. Les travaux ont été lancés en mai 2014 par le forage des terrains en vue de l’implantation des tuyauteries de réfrigération. Le dispositif pourrait être opérationnel en 2015. Des essais des dispositifs de pompage sont également en cours.

Ce dispositif doit être conçu pour permettre d’arrêter les infiltrations d’eaux souterraines dans les bâtiments nucléaires, tout en évitant que les actuels points d’infiltration (fissures, jonctions défaillantes…) ne deviennent par la suite des zones de fuite des eaux radioactives contenues dans les bâtiments vers les eaux souterraines. A cet égard, l’IRSN souligne l’importance à apporter à la conception et à la gestion de ce dispositif en vue notamment de maîtriser la baisse conjointe du niveau de la nappe et du niveau des eaux radioactives dans les bâtiments pour éviter une fuite des eaux des bâtiments vers la nappe.

Source TEPCO – Projet de gel des sols
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L’entreposage des eaux reste un sujet particulièrement prégnant pour TEPCO dans la mesure où il doit simultanément augmenter ses capacités d’entreposage à un rythme élevé et en améliorer la qualité ainsi que le suivi. La robustesse des entreposages, y compris ceux représentés par les bâtiments et les galeries techniques enterrées, et leur gestion sont un point crucial pour la maîtrise de la pollution de l’environnement, compte tenu des volumes d’eau présents et de la radioactivité contenue. Ce sujet restera un enjeu majeur tant que TEPCO n’aura pas traité plus complétement les eaux radioactives et ne les aura pas rejetées.

En outre, l’IRSN souligne que, nonobstant les difficultés d’entreposage des eaux accumulées, leur traitement génère des déchets dont la gestion constitue un enjeu d’importance, à la fois en termes d’entreposage pérenne sûr et de conditionnement ultérieur. TEPCO a d’ores et déjà défini des actions en ce sens.

V. Plan de reprise de contrôle des installations

Les premières phases de reprise de contrôle de l’installation sont réalisées dans la mesure où, d’une part le refroidissement des réacteurs et des piscines est assuré, avec le maintien d’une température basse de l’eau dans les installations, d’autre part les rejets résiduels sont à des niveaux très faibles. Les actions de nettoyage du site se poursuivent, notamment pour permettre les travaux futurs.
L’année 2014 a vu l’aboutissement d’une étape majeure dans la reprise du contrôle des installations : le retrait des assemblages de combustible de la piscine du réacteur 4, la plus chargée en combustibles. Débuté en novembre 2013, ce retrait s’est achevé le 22 décembre 2014 dans le respect de la planification prévue et sans rencontrer de difficultés majeures.

Le plan d’actions prévoit 3 étapes :

- la première étape vise à débuter le retrait des assemblages de combustible présents dans les piscines des autres réacteurs. La reprise du combustible de la piscine du réacteur 3 devrait débuter en 2015, tandis que celle du réacteur 2 est programmé à partir 2017 et celle du réacteur 1 à partir de 2019 ;

- la deuxième étape prévoit d’engager le retrait des combustibles dégradés des réacteurs 1 à 3. Un vaste programme de recherche a été initié à cet effet. Il vise à développer des moyens d’investigation complémentaires à ceux déjà mis en oeuvre afin de connaître plus précisément l’état des installations, puis à identifier et concevoir les moyens nécessaires. Le retrait devrait commencer au début des années 2020 par les réacteurs 2 et 3 et vers 2025 pour le réacteur 1, l’échéancier restant très dépendant de celui du programme de recherche et des connaissances acquises sur l’état des installations ;

- la dernière qui conduira au démantèlement complet des installations, avec un objectif de 30 à 40 ans.

En décembre 2013, TEPCO a pris la décision de démanteler également les réacteurs 5 et 6 du site dont la remise en service était initialement prévue après mise en oeuvre d’un programme d’amélioration qui restait à établir. Il profitera de ces opérations de démantèlement pour se préparer à celles des réacteurs accidentés.

L’IRSN souligne que les délais annoncés sont à considérer comme des ordres de grandeur et que d’importantes opérations de caractérisation approfondie de l’état des installations ainsi que des travaux de recherche sont encore à réaliser. L’IRSN relève toutefois l’importance des moyens mis en oeuvre par TEPCO pour tenir l’échéancier annoncé. TEPCO ajuste régulièrement son échéancier en fonction des enseignements de ses investigations dans les installations et de l’avancement des travaux, mais, à ce jour, l’avancement apparaît en ligne avec l’échéancier global rappelé ci-dessus.

Le ministère de l’Environnement prévoit de transporter durant la première année 1000 mètres cubes de matériaux contaminés

Alors que les activités de nettoyage se poursuivent, les travailleurs de la préfecture de Fukushima entreprennent le transfert de matériaux contaminés vers un site de stockage temporaire.

Le sol et les débris contaminés par les retombées nucléaires de l’accident de 2011 continuent de s’entasser un peu partout dans la préfecture. 

La construction d’une installation de stockage n’a été entreprise que le mois dernier, en raison des difficultés rencontrées pour trouver un site approprié. Le site retenu se trouve dans une zone comprise entre deux villes, près de la centrale nucléaire endommagée. Le transfert débute vendredi, sans attendre que l’installation ne soit terminée. 

Le ministère de l’Environnement prévoit de transporter durant la première année 1000 mètres cubes de matériaux contaminés en provenance de 43 municipalités de la préfecture.

Le gouvernement n’a acquis jusqu’ici que suffisamment de terrain pour recevoir 20 000 mètres cubes, soit environ 0,1 % de la dimension prévue du site.

Lorsque terminée, l’installation de stockage temporaire de 16 kilomètres carrés pourra contenir jusqu’à 22 millions de mètres cubes de sol et de débris contaminés. 

Il n’est pas clair toutefois si la construction de l’installation pourra être achevée en raison de négociations difficiles avec les propriétaires terriens. 

Parallèlement à cela, le gouvernement doit entreprendre les démarches pour trouver un site permanent afin d’accueillir les matériaux contaminés.



vendredi 6 mars 2015

4 ans déjà catastrophe de fukushima

http://fukushima.eu.org/fukushima-des-defis-insurmontables/

Fukushima : des défis insurmontables

ACRO.eu.org
Cela fait quatre ans que la catastrophe nucléaire japonaise a commencé. Après l’urgence et les mesures d’ajustement et de restructuration, aussi bien la compagnie TEPCo, qui exploitait la centrale, que les autorités se sont installées dans un chantier à long terme. Les défis sont immenses, tant au niveau de la centrale qui reste menaçante que dans les territoires contaminés où la population s’interroge sur son avenir, mais le pays y fait face avec les anciens réflexes de dissimulation et d’autoritarisme qui ne font qu’aggraver la situation.
L’été 2013 avait été marqué par une suite de scandales sur les fuites d’eau contaminée qui ont secoué le Japon, avec un fort retentissement médiatique international. Le Premier ministre japonais, Shinzô Abé, a pris le dossier en main et a déclaré devant le Comité olympique, où il défendait la candidature de Tôkyô, que la situation était « sous contrôle » et que la pollution radioactive était bloquée dans le port devant la centrale. Plus tard, devant le parlement, il précisera que « les effets de la radioactivité » sont bloqués dans le port, sans préciser ce qu’il entendait par « effets ». Plus de 18 mois plus tard, force est de constater que la situation n’est pas sous contrôle et l’eau contaminée reste le principal cauchemar de TEPCo.

La bataille de l’eau contaminée

Avant la catastrophe nucléaire, TEPCo pompait, chaque jour, environ 1 000 m3 d’eau souterraine pour rabattre la nappe phréatique et éviter les infiltrations dans les sous-sols des réacteurs nucléaires. Ce pompage s’est arrêté avec la catastrophe et environ 400 m3 d’eau souterraine y pénètrent chaque jour et se mélangent à l’eau de refroidissement fortement contaminée. Cette eau est stockée et TEPCo doit ajouter une cuve tous les deux jours. Il y a plus d’un millier de cuves sur le site de la centrale.
Inversement, de l’eau contaminée passe des sous-sols vers la nappe phréatique avant de rejoindre l’océan. Les fuites en mer, estimées à la louche à 300 m3 par jour, continuent. TEPCo s’est engagée dans une bataille pour « contrôler » la situation où elle enregistre peu de victoires.
Première idée, reprendre les pompages, mais l’eau près des réacteurs est fortement contaminée. Alors la compagnie a décidé de pomper plus en amont où la contamination est moindre. Mais, il lui a fallu un an pour convaincre les pêcheurs qui ont fini par accepter, en mars 2014, que cette eau soit rejetée dans l’océan. Il aura fallu du temps à la compagnie pour accepter un contrôle de l’eau par un laboratoire tiers.
En régime de croisière, ce sont entre 300 et 350 m3 qui sont ainsi rejetés quotidiennement en mer. La contamination en tritium (hydrogène radioactif) ne doit pas dépasser 1 500 Bq/L et celle en bêta total (hors tritium) 5 Bq/L. TEPCo avait annoncé une diminution attendue des infiltrations de 100 m3 par jour mais les effets ont mis du temps à se manifester. Ce n’est qu’à l’automne 2014 que la compagnie a pu observer une baisse de 50 à 80 m3 par jour en données corrigées des variations saisonnières. L’eau contaminée continue donc à s’accumuler jour après jour.
En parallèle, sur injonction des autorités, la compagnie a commencé à installer un système destiné à geler le sol tout autour des réacteurs accidentés pour limiter les échanges. C’est le gouvernement qui paye. En amont, les travaux progressent vite, mais, en aval, il y a de nombreuses galeries souterraines qui vont vers la mer. TEPCo a essayé, pendant des mois, d’en geler une à titre expérimental, mais cela n’a pas pris. Elle a eu beau rajouter de la glace, puis de la glace carbonique, rien n’y a fait, l’eau circulait toujours. Elle a ensuite tenté de cimenter la partie qui ne gelait pas, sans plus de succès. Elle a enfin décidé de remplir les galeries de ciment, mais il y a de nombreux câbles et tuyaux et il est peu probable que ce soit complètement étanche.
Le stockage de l’eau contaminée n’est pas durable. Une première station de traitement, Sarry, retire le césium, mais cela ne suffit pas. Une nouvelle station, ALPS, doit retirer 62 radioéléments, mais elle cumule les déboires. Les performances n’étaient pas toujours au niveau attendu et elle génère d’énormes quantités de déchets. TEPCo s’était engagée, en septembre 2013, après les scandales de l’été et les déclarations du premier ministre, à traiter tout son stock avant mars 2015. Il est rapidement apparu que ce ne serait pas possible. Elle a donc ajouté de nouvelles unités qui ne retirent que le strontium, très radiotoxique, en plus du césium. Mais, finalement, même en prenant en compte cette décontamination partielle, elle ne pourra pas tenir ses engagements. TEPCo affirme maintenant pouvoir y arriver en mai de cette année pour le strontium et en mai 2016 pour les autres radioéléments.
Même partiellement décontaminée, cette eau s’accumule dans des cuves. En cas de fuite importante, l’impact serait moindre, mais cela ne résout pas le problème du stockage à long terme. En effet, le stock total de tritium contenu dans les cuves, les combustibles, les sous-sols, et qui n’est pas retiré par les différentes stations de traitement, correspond à environ 150 ans de rejets en mer à la limite maximale autorisée. Pour déverser cette eau dans l’océan – le rêve de TEPCo et des autorités – il faudrait changer les autorisations de rejet, ce qui semble politiquement impossible.
La dernière carte de TEPCo consiste finalement à pomper l’eau souterraine au pied des réacteurs. Mais elle est très contaminée. La compagnie veut donc la traiter et la rejeter directement en mer. Elle tente d’obtenir l’accord des pêcheurs, en vain pour le moment.
A l’automne dernier, une majorité des 6 000 personnes qui travaillaient chaque jour sur le site de la centrale accidentée était engagée dans la bataille de l’eau contaminée. Ce chiffre est passé à 7 000 par jour et cela ne suffit toujours pas car la culture de la compagnie n’a guère changé. La pénurie de main d’œuvre qualifiée et la sous-traitance en cascade aggravent la situation. Depuis le début de la catastrophe, 40 000 personnes ont travaillé sur le site de la centrale accidentée.
TEPCo avait découvert, en janvier 2014, que la contamination de l’eau de pluie évacuée vers la mer était particulièrement élevée dans un drain. Elle a prévenu l’autorité de régulation nucléaire, la NRA, qui lui a demandé de trouver la cause. La compagnie a d’abord suspecté la contamination des sols : elle les a donc couverts, a nettoyé les drains, et multiplié les contrôles, mais la contamination de l’eau n’a pas baissé. TEPCo n’a rien dit à personne. Elle n’a pas signalé non plus que la contamination augmentait avec la pluie. Ce n’est qu’en février 2015, suite une autre fuite qui a déclenché une alarme, qu’elle a averti la NRA.
Suite aux fuites qui ont fait scandale par le passé, TEPCo contrôle l’eau de pluie récoltée autour des cuves et a mis des alarmes sur les drains qui s’écoulent vers le port, mais n’a pris aucune mesure particulière pour le drain où l’eau était particulièrement contaminée, qui lui, se jette directement dans l’océan, sans passer par le port où la compagnie a installé des barrières pour limiter les transferts.
Comment TEPCo peut prétendre être très précautionneuse en surveillant l’eau pompée avant rejet dans l’océan et d’un autre côté être si négligente pour cette eau de pluie ? La compagnie a encore des progrès à faire en terme de culture de sûreté. Les pêcheurs sont furieux et se sentent trahis. Comme d’habitude, la compagnie s’est excusée pour l’inquiétude créée, alors que ce n’est pas le seul scandale dû à la négligence.

La menace des piscines de combustible

Les piscines de combustible usé ont inquiété au début de la catastrophe nucléaire car elles ne sont pas protégées par l’enceinte de confinement. Si une secousse sismique ou une explosion provoquait une fissure et qu’il n’était plus possible de refroidir le combustible, il aurait fondu et dégagé une énorme quantité de radioéléments. La première semaine, le premier ministre avait sur son bureau le scénario du pire qui consistait en la fusion des combustibles de la piscine n°4, la plus chargée. Une estimation rapide avait montré qu’il aurait alors fallu évacuer jusqu’à environ 250 km de la centrale et donc probablement une partie de l’agglomération de Tôkyô. Le renforcement de la structure de soutènement de la piscine n°4 avait été une priorité dans les premiers mois.
TEPCo a fini de vider cette piscine le 20 décembre dernier. C’est une belle prouesse. Les combustibles usés sont dans la piscine commune de la centrale de Fukushima daï-ichi, qui est au niveau du sol. Les combustibles neufs sont dans la piscine du réacteur n°6.
Pour cela, la compagnie a dû démanteler toute la partie haute du bâtiment réacteur et reconstruire une structure neuve par dessus le tout. Le réacteur n°4, dont le cœur était entièrement déchargé en mars 2011, ne constitue donc plus une menace et son démantèlement se fera plus tard. Réduire la menace des autres réacteurs est la priorité.
La compagnie va s’attaquer aux trois autres réacteurs accidentés, en commençant pas le réacteur n°3 qui est très endommagé et dont la piscine contient du combustible MOx, très chargé en plutonium. Contrairement au réacteur n°4, il y a eu fusion des cœurs dans les réacteurs 1 à 3 et le débit de dose ne permet pas aux êtres humains d’y travailler.
TEPCo a commencé à démanteler le réacteur n°3 à l’aide de grues télécommandées. Cela n’a pas été sans incidents, mais elle a fini pour la partie haute. Le débit de dose y est si élevé qu’il faut trouver un moyen de l’atténuer suffisamment avant de construire une nouvelle structure tout autour. Ce n’est pas gagné pour le moment.
Contrairement au réacteur n°4, le démantèlement du n°3 a conduit à des rejets conséquents de poussières radioactives qui ont été détectées à grande distance. En août 2013, ces dégagements ont même conduit au déclenchement d’alarmes de surveillance et à la contamination de travailleurs qui attendaient le bus. Il faudra à TEPCo du temps pour soupçonner les poussières comme étant la cause des problèmes. L’incident semblait clos. Mais, en juillet 2014, le ministère de l’agriculture révèle que du riz récolté à Minami-Sôma à l’automne 2013 était contaminé au-delà de la limite de mise sur le marché, alors que ce n’était pas le cas l’année précédente. Le ministère soupçonne les retombées de poussières émises lors du démantèlement du réacteur n°3 durant l’été 2013. Les rizières affectées sont au-delà de la zone d’évacuation de 20 km.

Des rejets dissimulés

Le maire et les habitants de Minami-Sôma sont furieux, car ni TEPCo, ni le gouvernement, ne leur ont signalé les retombées radioactives sur la commune. On apprendra plus tard que ce sont des chercheurs de l’université de Kyôto qui ont alerté les autorités : ils contrôlaient la contamination des aérosols à Fukushima et ont détecté plusieurs pics de pollution radioactive. Le ministère a fait le lien avec le riz contaminé et a abordé ce problème avec TEPCo en mars 2014 sans prévenir la commune.
TEPCo a fini par reconnaître que le 19 août 2013, les travaux de démantèlement sur le réacteur n°3 ont entraîné un rejet aérien de 4 térabecquerels (4 000 milliards de becquerels), ce qui est 10 000 fois plus que les rejets habituels. Rien sur les autres pics. Ce chiffre sera revu à la baisse des mois plus tard. Et il faudra attendre le 31 décembre 2014 pour découvrir le pot aux roses : contrairement au réacteur n°4, TEPCo a négligé d’asperger une résine pour fixer les poussières avant de démanteler. Et quand cette résine, généralement utilisée pour fixer les poussières d’amiante, était aspergée, la dilution du produit était trop forte. Pour le fabricant, c’est comme avoir aspergé de l’eau. Suite aux problèmes, TEPCo a repris les procédures normales à partir d’octobre 2013, sans rien dire à personne. Pas vu pas pris. Les mauvaises pratiques auront duré presque un an ! La compagnie n’a pas été punie, mais s’est excusée pour l’inquiétude provoquée.
Cette affaire a entraîné un « glissement du calendrier » des travaux sur le réacteur n°1. Il est donc difficile de savoir quand les autres piscines seront vidées. Au-delà des piscines, il y a le combustible fondu qui a percé la cuve des réacteurs et qu’il faut continuellement refroidir en l’arrosant. TEPCo ne sait pas où il est exactement. La réduction de la menace que représentent les réacteurs accidentés va prendre des décennies. Après, la compagnie pourra envisager le démantèlement. Se pose aussi le problème des déchets radioactifs pour lesquels le Japon n’a aucune solution à proposer.
En attendant, l’environnement plus ou moins proche de la centrale nucléaire peut à nouveau être fortement contaminé suite à un accident. Que se passera-t-il en cas de forte secousse ou de nouveau tsunami ? Même sans accident, il est fort probable qu’il y ait encore des rejets intempestifs qui viennent s’ajouter aux rejets de routine. Chikurin, le laboratoire citoyen monté à Tôkyô avec le soutien de l’ACRO, a mis au point une méthode de prélèvement des poussières facile à mettre en œuvre à l’aide d’un simple linge suspendu. Elle a été comparée à des méthodes plus lourdes, avec préleveur automatique et filtre, et donne des résultats comparables.
Ces rejets inquiètent les habitants qui ne sont pas prêts à rentrer, même si, officiellement, ce ne sont plus ces retombées radioactives qui auraient contaminé le riz de Minami-Sôma. Mais les autorités n’ont aucune autre explication.

Le retour des populations

Il y a encore officiellement presque 120 000 personnes évacuées à cause de la pollution radioactive. L’indemnisation coûte cher aux autorités qui avancent l’argent à TEPCo. Elles rêvent donc d’une catastrophe réversible avec un retour des populations. L’ordre d’évacuer a été levé dans deux districts et l’indemnisation se tarira un an plus tard.
Le gouvernement a divisé la zone évacuée en trois sous-zones en fonction du débit de dose. Il prévoit un retour rapide dans celle où l’exposition est inférieure à 20 millisieverts par an. Cela correspond à la limite fixée pour l’évacuation en 2011. A l’époque, le Japon s’était vanté d’avoir choisi la valeur la plus basse des recommandations internationales. Mais la phase d’urgence est terminée depuis longtemps. Il est alors recommandé de fixer des niveaux de référence dans la partie basse de l’intervalle de 1 à 20 mSv/an.
Le Japon est en train de comprendre que la transition entre la situation d’urgence et la gestion à long terme des territoires contaminés est complexe. Comment passer d’un intervalle d’exposition maximale autorisée situé entre 20 et 100 mSv à la partie basse de l’intervalle de 1 à 20 mSv ? Les radioéléments comme le césium décroissent lentement. Le débit de dose moyen n’a diminué que de 40% en moyenne la première année au Japon et les travaux de décontamination se sont révélés très décevants.
Le Japon a bien adopté un retour à une limite de 1 mSv/an, mais sans donner de calendrier. La politique actuelle de retour des populations dans les zones évacuées est toujours basée sur une limite annuelle de 20 mSv/an choisie au moment de l’évacuation. Cette limite n’avait pas été acceptée par beaucoup au moment de l’urgence et elle n’est toujours pas acceptée pour le retour. Ainsi, de nombreuses personnes ne souhaitent pas rentrer, surtout quand il y a de petits enfants. Mais si le Japon adoptait une limite de retour plus basse, les populations non évacuées ne comprendraient pas et se sentiraient abandonnées.
Ces doses annuelles sont estimées en supposant que les personnes passent en moyenne 8 heures par jour dehors et 16 heures par jour à l’intérieur où l’exposition serait réduite de 60%. Ainsi, 1 mSv par an correspond à 0,23 microsievert par heure quand on ajoute le bruit de fond naturel de 0,04 microsievert par heure. Cela peut être mesuré directement avec un radiamètre. 20 mSv se traduisent par une limite de 3,8 microsieverts par heure par la même méthode. C’est cette valeur qui a été utilisée pour l’évacuation. Et c’est encore elle qui est retenue pour le retour.
Face à cette situation complexe, les autorités pensent avoir trouvé la parade : distribuer à chacun des « glass-badges », c’est à dire des dosimètres individuels, pour apprendre à vivre en territoire contaminé et limiter l’exposition en faisant attention. Il est alors possible d’avoir une dose reçue moins élevée que celle estimée précédemment. La ville de Daté s’est fixé une limite à 5 mSv mesurés par ces « glass-badges » et le maire met en avant le succès de l’opération.
Tous les élus ne sont pas convaincus et le conseil municipal a organisé, en janvier 2015, un séminaire avec un représentant de l’association Fukurô-no-kaï et le fabriquant du dosimètre, Chiyoda Technology. Lors de la réunion, le représentant associatif a souligné les limites de la méthode : il importe de protéger chacun. On ne peut pas se contenter de moyenne, comme le font les autorités. Par ailleurs, ces dosimètres sous-estiment la dose quand on vit dans un environnement entièrement contaminé. Lors de la réunion, le directeur de Chiyoda Technology a reconnu les faits et s’est excusé de ne pas l’avoir signalé. Suite à la parution d’un compte-rendu dans la presse, le site Internet de la compagnie reconnaît que les dosimètres sous-estiment la dose reçue de 30 à 40%. L’IRSN, qui commercialise ces dosimètres en France et accompagne le maire de Daté dans le cadre d’Ethos in Fukushima, n’aurait pas jugé utile d’apporter cette information ?
Pas étonnant que les habitants hésitent à rentrer. Est-ce cela l’avenir que l’on veut proposer à ces enfants ? Tout contrôler, ne pas s’aventurer au-delà des zones non décontaminées… Selon l’Agence de la reconstruction, qui a sondé les habitants des territoires évacués de la province de Fukushima entre août et octobre 2014, seulement 19,4% des habitants de Namié originaires d’une zone où l’ordre d’évacuer va être levé, car l’exposition externe y est inférieure à 20 mSv par an, veulent rentrer. C’est 14,7% dans la même zone à Tomioka. Il s’agit souvent des personnes les plus âgées.
Pour les zones de « non-résidence », où l’exposition externe avant les travaux de décontamination est comprise entre 20 et 50 mSv par an, ces pourcentages descendent à 16,6% pour Namié et 11,1% pour Tomioka. Enfin, pour les zones classées en « retour difficile » car l’exposition externe avant décontamination y est supérieure à 50 mSv par an, 17,5% des personnes concernées à Namié espèrent pouvoir rentrer un jour. C’est 11,8% pour Tomioka.
Il faut donc s’adapter. Avant la catastrophe, il y avait 5 lycées dans les 8 communes évacuées du district de Futaba avec 1 500 élèves. Les cours continuent dans les villes refuge, mais il n’y avait plus que 337 élèves inscrits en mai 2014, juste après la rentrée scolaire. Un nouveau lycée va ouvrir à Hirono à la rentrée prochaine, en avril 2015, à la place des 5 lycées abandonnés qui fermeront officiellement en avril 2017. Il y aura un pensionnat car les enfants vivent loin du futur lycée.
Deux cliniques qui étaient en zone évacuée, dans le district d’Odaka à Minami-Sôma et à Namié, vont licencier le personnel car les indemnisations de TEPCo s’arrêtent. Seuls les directeurs restent en poste pour trouver une façon de rouvrir. 45 personnes dans chaque clinique vont perdre leur emploi. Deux autres cliniques ont déjà fermé définitivement après la catastrophe nucléaire. Minami-Sôma espère lever l’ordre d’évacuer en avril 2016 et Namié en 2017. S’il n’y a plus de services de soins, le retour sera plus difficile.
Les autorités se doivent de laisser le choix aux populations quant à leur retour, sans discrimination, et les aider à refaire leur vie, quel que soit le lieu de résidence choisi. Au-delà du rétablissement de conditions de vie digne, se pose, à plus long terme, le problème du devenir des territoires et des immenses volumes de déchets radioactifs.

Les déchets radioactifs

Que ce soit en territoires évacués ou en zone contaminée, les déchets radioactifs issus des travaux de décontamination s’accumulent. A Fukushima, il devrait y en avoir 30 millions de mètres cube. Les autorités veulent les entreposer sur un site de 16 km2 qui entoure la centrale de Fukushima daï-ichi dans les communes d’Ôkuma et Futaba. Pour vaincre la réticence des habitants, les autorités se sont engagées, par la loi, à reprendre ces déchets au bout de 30 ans pour les stocker définitivement en dehors de la province de Fukushima. Qui peut croire qu’il sera possible de trouver un site et de transporter à nouveau 30 millions de mètres cube ? Le nombre de voyages en camion pour apporter ces déchets se compte aussi en millions. Si les autorités locales ont donné leur accord, les propriétaires des terrains refusent de vendre ou même de louer. Le processus est bloqué. Un sondage effectué en avril 2014 a montré que 82,7% des habitants de Fukushima ne croient pas à cette fable des 30 ans. Le gouvernement n’a donné aucune piste sur la façon dont il compte s’y prendre.
Dans les autres provinces aussi la situation est bloquée. Le gouvernement a trouvé des sites de stockage définitif cette fois-ci mais les riverains et les maires des communes proches s’y opposent. Ils ont barré l’accès aux ingénieurs venus étudier les terrains.
Même en temps normal, il est difficile de trouver un site d’accueil pour les déchets radioactifs. Après un accident de grande ampleur, c’est encore plus difficile car les populations ont moins confiance dans les autorités et le volume de déchets est beaucoup plus grand. Le gouvernement maintient sa politique traditionnelle qui consiste à « décider, annoncer et défendre ». Le précédent ministre de l’environnement avait expliqué que l’argent viendrait à bout des réticences. Les faits lui donnent tord. L’accord des élus locaux ne suffit pas.
En attendant, les déchets s’accumulent partout. Il y a plus de 54 000 sites d’entreposage temporaire. A Iitaté, par exemple, ils couvrent un tiers des 800 hectares de surfaces agricoles. Souvent, le bail pour l’utilisation du terrain arrive à échéance sans qu’il y ait de solution en vue. Dans les zones non évacuées, les maires et les populations ne veulent pas garder les déchets et souhaitent leur départ au plus vite. Des enfants ont été vus jouer sur ces montagnes de sacs radioactifs. Parfois, l’emballage ne tient pas.

La catastrophe au quotidien

Au-delà de ces défis insurmontables, tout le parc nucléaire japonais est à l’arrêt complet depuis septembre 2013. Seuls quatre réacteurs ont vu leur dossier de sûreté validé et il n’y aura probablement pas de redémarrage avant l’été. D’un autre côté, 5 réacteurs anciens devraient être officiellement arrêtés définitivement. Ce n’est qu’un début. Dans ce contexte, le gouvernement peine à définir sa politique énergétique, même s’il s’est engagé à rendre sa copie avant la conférence sur le climat de Paris.
Mais ce sont surtout les populations qui souffrent. Il y a encore 120 000 évacués de la catastrophe nucléaire qui ne savent de quoi leur avenir sera fait. Beaucoup vivent encore dans des préfabriqués peu confortables. Les familles sont parfois éclatées. Que faire quand les indemnisations s’arrêteront ? Dans les territoires contaminés, les enfants ne jouent plus dehors.
Et il y a les cancers de la thyroïde qui sont source d’inquiétude. L’université médicale de Fukushima, mandatée par les autorités, a ausculté une première fois la thyroïde de 368 000 enfants. Parmi eux, 86 enfants avaient un cancer confirmé et 23 autres suspecté. Des examens complémentaires sont en cours. Il y a un cas qui s’est révélé être bénin après l’intervention chirurgicale. Le taux d’occurrence observé est beaucoup plus élevé à Fukushima qu’ailleurs au Japon ou dans d’autres pays. En effet, cela fait environ 30 cas sur 100 000 enfants, contre 1,7 cas sur 100 000 enfants à Miyagi.
Les autorités médicales affirment cependant que ce n’est pas lié à la catastrophe nucléaire, mais au dépistage systématique. Si c’est le cas et que les cancers ne se seraient pas déclarés avant des années, fallait-il effectuer les interventions chirurgicales ? Les cancers papillaires de la thyroïde ne se développent pas toujours et les enfants auraient peut-être pu vivre longtemps en bonne santé avec leur glande. Une fois opérés, ils ont une cicatrice au cou et certains doivent prendre des médicaments toute leur vie. Des experts critiques réclament donc que les autorités régionales, qui mènent ce programme, rendent publiques les informations relatives à la glande après chirurgie et au niveau de progression du cancer. L’université de Fukushima refuse pour préserver la confidentialité des données patients et les autorités régionales n’ont pas le pouvoir d’accéder au dossier médical.
Les autorités régionales de Fukushima ont entamé la deuxième vague de dépistage du cancer de la thyroïde chez les 385 000 enfants de la province. 8 enfants sur 75 000 chez qui l’on n’avait pas détecté de cancer lors de la première échographie sont suspectés d’avoir un cancer après un deuxième examen. Parmi eux, il y a un cas confirmé. Les 7 autres vont subir d’autres examens médicaux. Ils avaient entre 6 et 17 ans au moment des rejets radioactifs massifs. Les tumeurs font entre 6 et 17,3 mm. Ces enfants étaient classés dans les catégories A lors du premier dépistage, signifiant « pas de problème ».
Par ailleurs, sur les 75 000 enfants ayant subi une deuxième échographie de la thyroïde, 611 sont classés B et vont subir des examens complémentaires. Parmi eux, 441, ou 72,2%, avaient été classés A lors de la première campagne. Le nombre de cas de cancer pourrait malheureusement augmenter encore… L’inquiétude des populations est donc sans fin.

La catastrophe ne fait que commencer

Force est de constater que la catastrophe ne fait que commencer. Les défis auxquels fait face le pays sont immenses. Même en temps normal, il n’est pas simple de démanteler une installation nucléaire ni de trouver une solution pour les déchets. Les fuites d’eau contaminée sont difficiles à colmater dans un environnement si hostile. Les problèmes sont exacerbés après une catastrophe et des populations souffrent. Mais ni TEPCo ni le gouvernement n’ont changé. Les excuses répétées n’y changent rien. Selon un sondage récent, 71% des habitants de Fukushima ne sont pas satisfaits par la gestion de la crise par le gouvernement et TEPCo.
La compagnie fait preuve de négligences si elle n’est pas contrôlée strictement. Les quelques exemples présentés ici affectaient l’extérieur du site et sont donc connus. Il y a beaucoup d’autres problèmes qui restent internes. Des ouvriers ont, par exemple, actionné le mauvais interrupteur et mis en marche une pompe de secours qui a déversé de l’eau contaminée dans un sous-sol. Il leur a fallu plus d’un mois pour se rendre compte de la bourde. Deux ouvriers sont décédés en janvier et la compagnie a dû revoir toute la sécurité des travailleurs. Dans de telles conditions, comment peut-elle prétendre pouvoir exploiter du nucléaire à sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa ?
Quant au gouvernement, il est toujours dans sa stratégie « décider, annoncer, défendre » qui laisse peu de place à la concertation alors qu’il lui faudrait être plus à l’écoute des populations et inventer de nouvelles formes de démocratie plus participatives. Car les initiatives citoyennes sont nombreuses et ne demandent qu’à être reconnues et encouragées. Dans les années à venir, de nouvelles difficultés vont surgir avec la fin de l’indemnisation des victimes sans que les problèmes soient réglés.
Toutes ces informations sont détaillées sur le site Fukushima.eu.org