Où en est la centrale de Fukushima, sept mois après l'accident?
Même si la situation des trois réacteurs les plus endommagés de Fukushima-Daiichi se stabilise, la gestion de l'accident de la centrale nucléaire japonaise demeure complexe. Le point sur la situation depuis le Japon.
Sept mois après le début de la catastrophe, la situation reste préoccupante à la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daiichi. La Compagnie électrique de Tokyo (Tepco), qui en est l’opérateur, est parvenue récemment à un «arrêt à froid» dans les trois premiers réacteurs, ce qui est une étape cruciale dans la résolution de la crise puisque le fluide passe sous la barre des 100°C. Mais, dans le même temps, la découverte d’une accumulation d’hydrogène dans un conduit du réacteur numéro 1 laisse planer le doute car le risque d’une nouvelle explosion ne peut toujours pas être écarté. Et la gestion des tonnes d’eau, déversées lors des opérations de secours et désormais contaminées, est toujours loin d’être réglée.
Un arrêt à froid… provisoire
Le 28 septembre à 17 heures (heure locale), la température du réacteur numéro 2 –qui avait atteint 400°C- est descendue sous la barre des 100 °C (99,4°C) pour la première fois depuis le début de l’accident, comme l’avait fait celle des réacteurs 1 et 3 au mois d’août. Ces trois réacteurs sont donc désormais «à l’arrêt à froid». C’est ce réacteur 2 qui a posé le plus de problèmes : pour obtenir ce résultat, il a en effet fallu augmenter considérablement la quantité d’eau injectée jusqu’à 10 tonnes par heure, ce qui a eu pour conséquence d’augmenter le problème des eaux contaminées (voir ci-dessous). Tepco avait mis en place un système consistant à projeter de l’eau sur le cœur des réacteurs 2 et 3 par le dessus, à la façon d’une douche. «L’obtention de cet arrêt à froid est tout à fait positif, estime Pierre-Yves Cordier, conseiller nucléaire du Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies renouvelables (CEA) auprès de l’ambassade de France au Japon. Cela signifie que l’eau ne bout plus, et que les flux d’eau sont plus simples». Outre l’abaissement de la température de l’eau du circuit refroidissement sous les 100°C, le gouvernement japonais et Tepco se sont fixé comme objectif d’abaisser le niveau de radioactivité aux environs de la centrale sous le seuil de 1 millisievert par an. Aujourd’hui, il serait de 0,4 millisievert par an, selon Tepco.
Pour autant, la situation est loin d’être stabilisée. Selon Junichi Matsumoto, un porte-parole de la compagnie électrique, il est «en quelque sorte encore trop tôt» pour parler d’un arrêt à froid définitif parce que les niveaux de radioactivité mesurés doivent encore être confirmés. Cela devrait être effectif d’ici la fin de l’année. Cet objectif atteint est censé ouvrir la porte à un possible retour des plus de 100.000 réfugiés autour de la centrale, même si on sait déjà que certaines communes sont bien trop contaminées pour que cela soit envisageable dans des délais si rapides.
«En réduisant les émissions radioactives, nous espérons que des évacués pourront revenir chez eux aussi vite que possible», assure pourtant Yasuhiro Sonoda, un membre du Parlement nippon en charge de la crise de Fukushima. Car la crise va perdurer pendant des décennies encore. «Il faudra encore refroidir les réacteurs pendant des années, précise Pierre-Yves Cordier. La chaleur résiduelle du cœur du réacteur n’est pas énorme, mais la courbe de diminution de la température est asymptotique et il faudra du temps pour en venir à bout». Si le refroidissement cessait pendant 38 heures, les barres de combustibles des réacteurs –déjà passablement endommagées– se remettraient à fondre, selon une estimation de Tepco.
Le casse-tête des eaux contaminées
La présence de tonnes d’eau contaminée dans les sous-sols des bâtiments réacteur et des bâtiments turbine est un casse-tête depuis le 11 mars dernier. Au début de la crise, il a fallu injecter des tonnes d’eau de mer, puis des tonnes d’eau douce dès que cela a été possible, pour refroidir à tout prix les cœurs des réacteurs, déjà partiellement fondus. Cette eau s’est chargée de radionucléides et a fuité par les nombreuses brèches et fissures vers les sous-sols, jusqu’à parfois déborder vers l’océan Pacifique.
En juin, c’est la mise en place in extremis d’une usine de décontamination des eaux par le Français Areva et l’Américain Kurion qui a permis d’éviter un débordement massif d’eau hautement radioactive vers le milieu naturel, la saison des pluies ayant déjà commencé. «Nous considérons que notre mission est accomplie, se félicite Rémy Autebert, le président d’Areva Japon, interviewé par Sciences et Avenir. Elle consistait à mettre au point un système d’urgence en deux mois seulement pour régler le problème à très court terme. La saison des pluies et des typhons est maintenant passée et nous avons réussi à éviter un débordement des eaux». Prévue comme un système d’urgence, l’installation Areva-Kurion pourrait être arrêtée dans quelques mois.
Selon Areva Japon, du fait de différentes avaries et des quantités considérables d’effluents à traiter, le système Areva/ Kurion a fonctionné en moyenne à entre 70 et 75% de sa capacité nominale sur les trois derniers mois. Ce dispositif a été complété le 18 août par une installation Toshiba et un dispositif encore plus pérenne est prévu pour les mois qui viennent. Ce système de décontamination a permis de mettre en place une sorte de circuit fermé à partir du début du mois de juillet: l’eau contaminée contenue dans les sous-sols est dessalinisée, décontaminée puis réinjectée afin refroidir les réacteurs, avant de fuiter en partie vers les sous-sols où elle est pompée et traitée…
Selon Tepco, le niveau d’eau contaminée présent dans les parties basses diminue progressivement car le débit retraité (70m3/h) dépasse le débit d’eau injecté pour refroidir les réacteurs (15m3/h). De 120.000 tonnes d’eau radioactive en juin, on est ainsi passé à 100.000 tonnes aujourd’hui … ce qui reste bien loin de l’objectif des 60.000 tonnes. La différence tiendrait en grande partie à l’infiltration d’eau du milieu naturel vers les bâtiments des réacteurs par le biais des différentes brèches. Tepco assure en effet qu’entre 200 et 500 tonnes d’eau ruissellent chaque jour dans les bâtiments, car le niveau de l’eau présente dans les sous-sols est inférieur au niveau de la nappe phréatique. Un nouveau casse-tête à résoudre.
La menace d’une nouvelle explosion d’hydrogène?
Même s’il est minime, le risque n’est pas à écarter car une concentration d’hydrogène anormalement élevée a été détectée dans une conduite reliée à l'enceinte de confinement du réacteur 1 de la centrale le 22 septembre. Cette concentration de 1% reste pour l’instant inférieur au 4% qui pourrait provoquer une explosion si cet hydrogène entrait en contact avec de l’oxygène, concentré à plus de 5%. De plus, l’injection continue d’azote dans les trois réacteurs depuis plusieurs mois est censée réduire la concentration d’oxygène et donc limiter ce risque d’explosion. Ce sont en fait des techniciens qui tentaient d’installer un nouveau système de ventilation lié à l’enceinte de confinement qui ont découvert cette concentration anormale de gaz inflammables, dont de l’hydrogène, en deux points. Tepco a prévu d’effectuer des mesures supplémentaires dans tous les réacteurs pour en connaître le niveau exact et s’assurer qu’il n’existe pas d’autres points de concentration. «L’hypothèse la plus probable est que l’hydrogène se soit dégagé au début de la crise à la suite de l’oxydation des barres de combustibles», estime Pierre-Yves Cordier. Cette nouvelle menace rappelle les explosions d’hydrogène des 12, 14 et 15 mars qui ont fortement endommagé les enceintes de confinement des réacteurs 1, 2 et 3, et provoqué des dégagements radioactifs importants, représentant de 10 à 15% ceux de Tchernobyl en 1986.
Le réacteur 1 bientôt recouvert
«Il ne s’agit pas d’un sarcophage comme à Tchernobyl mais d’une armature métallique recouverte d’une toile plastifiée qui doit permettre de limiter les rejets radioactifs et protéger le réacteur des intempéries», précise Pierre-Yves Cordier. Cette enceinte doit être terminée à la fin du mois d’octobre. En revanche, l’apparence chaotique des autres réacteurs n’a guère changé, mais les réacteurs 3 et 4, affectés par les explosions d’hydrogène, pourraient également être recouverts.
Au Japon, Marie Linton
pour Sciences et Avenir.fr
17/10/11
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire