Le 6 avril, moins d'un mois après la triple catastrophe subie par la côte nord-est de la principale île du Honshu (séisme de magnitude 9, tsunami, explosion de la centrale nucléaire de Fukushima), alors que d'autres séismes viennent s'ajouter aux répliques, et que la nature ne cesse de s'acharner autour des bâtiments de la centrale, le gouvernement japonais décide de rouvrir les écoles du département de Fukushima.
Le Nikkei Weekly, dans un article daté du 11 avril, publie un encadré dans lequel on peut voir une photo d'enfants du primaire alignés dans une classe. La légende explique que la rentrée scolaire s'est déroulée normalement dans cette petite école nommée Sahara à quelque 50 km des réacteurs endommagés. L'école accueillerait 85 nouveaux élèves transférés des régions victimes du tsunami et du tremblement de terre.
L'invisibilité de l'ennemi a permis la réouverture des écoles
Le même jour, un article du Tôyô Keizai rend compte des mesures effectuées par le laboratoire de recherches nucléaires du professeur Imanaka Tetsuji de l'université de Kyôto (Nuclear safety research group) concernant la contamination par radioactivité de l'air et du sol dans le village de Iitate, à 40 km au nord-ouest de la centrale de Fukushima les 28 et 29 mars. Ces mesures ont révélé un taux de 95 millisieverts de radioactivité cumulés depuis le 15 mars. Dans ce village, des mesures effectuées à divers endroits attestent de taux dépassant les 30 millisieverts cumulés.
Alors que des écoles affichant un taux de radioactivité parfois supérieur à celui enregistré dans la zone d'évacuation des 30 km sont rouvertes, l'Agence gouvernementale pour la sécurité nucléaire demande à toutes personnes résidant dans les zones dont les taux de radioactivité sont compris entre 10 et 50 millisieverts de rester confinées, ou de se réfugier sur des terres plus saines. Au-delà de 50 millisieverts, il est fortement recommandé à la population de se confiner dans une pièce de béton, ou de partir.
Des politiques sourdes aux mesures de la radioactivité
Le 29 mars, la même équipe de recherche élargit ses mesures à 130 points du village, constatant des taux dépassant parfois 10 millisieverts par heure.
Par ailleurs, du 5 au 7 avril, selon les résultats de l'enquête menée auprès des écoles primaires et collèges par le département de Fukushima, 75,9% des écoles primaires et collèges présentaient un taux dépassant la norme acceptable établie par la Constitution, et 20,4% entraient dans la catégorie nécessitant un « traitement particulier pour risque d'irradiation ».
La mise en ligne publique de ces données par le ministère de l'Education, données qui révèlent notamment un taux de 21 microsieverts/heure à un mètre du sol et 30 microsieverts/heure au sol dans l'école primaire de Tsushima (commune de Namie), ne compromettra pas pour autant la rentrée des classes qui a eu lieu comme à l'accoutumée du 5 au 7 avril dans la totalité des écoles.
Si les particules d'iode 131 comprises dans les projections du 15 et du 21 mars perdent de leur activité de moitié tous les huit jours, les particules de césium 134 et 137 au nombre de respectivement 4 597 becquerels/m3 et 5 446 becquerels/m3 sur ce même site garderont le même taux de radioactivité durant trente ans.
Le seuil maximal recommandé appliqué à des enfants
Les effets de la radioactivité étant plus sensibles chez l'enfant que chez l'adulte, et les sols des cours d'écoles étant recouverts de sables volatiles facilement inhalables, le représentant du Groupe de réflexion sur l'obsolescence des équipements de la centrale de Fukushima, M. Sakagami Takeshi, a demandé la révision de la décision de réouverture des groupes scolaires, après consultation des habitants.
Malgré les voix qui s'élèvent, non seulement les classes continuent leur activité, mais c'est cette fois au tour des garderies d'ouvrir leurs portes. Afin de se mettre en accord avec les règles de sécurité, les autorités décident de permettre le fonctionnement normal de tout établissement dont les taux n'excèderaient pas 3,8 microsieverts par heure.
Selon un document distribué aux familles, ces consignes auraient été recommandées par l'International commission on radiological protection (ICRP), organisme selon lequel, dans la situation exceptionnelle présente, il serait envisageable de remonter « le taux de radiation acceptable par tout citoyen de 1 à 20 millisieverts par an », soit « le seuil maximal recommandé ordinairement pour les personnes affectées à des travaux sous rayonnements ionisants » selon l'IRSN (Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire).
Le ministère de l'Education a décidé d'appliquer cette recommandation. On peut s'interroger sur les effets sanitaires de cette décision concernant une population d'enfants dont l'âge s'échelonne de quelques mois à 15 ans.
Un conseiller du ministère de l'Intérieur démissionne
Concernant les treize établissements qui enregistrent malgré tout un niveau supérieur à la nouvelle norme établie, le ministère de l'Education décide de limiter toute activité à l'extérieur des bâtiments à une heure par jour. Il recommande par ailleurs de se laver mains et visage en rentrant dans les bâtiments, et les gargarismes en cas de contact buccal avec du sable et/ou de la terre. Le nombre de nourrissons et d'enfants accueillis par ces structures très fortement radioactives s'élèvent à 3 560.
Le ministère de l'Education précise que ces treize écoles feront l'objet de mesures hebdomadaires de la radioactivité et préconise un retour au fonctionnement habituel si les taux enregistrés se situent en deçà du seuil de 3,8 microsieverts/heure deux fois consécutives.
Selon un reportage de la NHK du 26 avril, les écoles (collèges, primaires et maternelles) dont l'activité extérieure est limitée à une heure journalière prévoient de retirer une couche superficielle de 1 à 2 cm de terre recouvrant 28 jours afin de pouvoir reprendre un rythme normal.
Le conseiller du ministère de l'Intérieur, professeur spécialisé dans le nucléaire à l'université de Tôkyô, M. Kosako Toshisou, a donné sa démission le 29 avril. M. Kosako motive sa décision dans une lettre rendue publique par la NHK le 30.
Depuis l'explosion de la centrale de Fukushima, le gouvernement n'aurait pas tenu compte des demandes de mesures à prendre émises par la commission de sécurité nucléaire pour préserver la population contre la radioactivité présente sur le territoire. M. Kosako estime que la politique à cet égard est toujours insuffisante et met en danger la population. Il réclame une coopération internationale d'urgence sur la question.
Les familles de Fukushima, inquiètes du sort de leurs enfants, soutenues par diverses associations japonaises, se mobilisent pour une meilleure gestion de la radioactivité dans l'espoir d'une révision des décisions de réouverture prises par le gouvernement
Par Cécile Asanuma-Brice | Riveraine | 07/05/2011 | 15H29
Par Cécile Asanuma-Brice | Riveraine | 07/05/2011 | 15H29
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